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C'est au milieu de l'excellente nuit que je passe que je me rends compte que je ne l'ai même pas embrassée le soir. Il ne me faudra pas longtemps le lendemain matin pour m'apercevoir que cet oubli lui a moyennement plu, quand elle refuse de prendre le petit-déjeuner avec moi, prétextant qu'elle a d'autres choses de prévues pour la journée, et que je fais bien ce que je veux. Je suis étonné et amusé par un tel caprice à son âge, aurai-je réussi à briser sa carapace ? J'avoue que la situation me motive plus qu'autre chose de la savoir vexée par mon attitude, elle qui paraît tellement distante. Je prends donc un certain plaisir pour trouver le moyen de la faire revenir sur sa décision.

La demi-heure planté devant son chalet à l'appeler et formuler mes plus plates excuses reste infructueuse, et je ne vois pas le petit bout de son nez. Mais imaginant que tout ce qu'elle espère c'est justement de me faire patienter sans mot dire un bon moment, je lui signifie alors que je lui souhaite une bonne journée et que je vais pour ma part vaquer à des occupations plus productives. J'entreprends alors mon tour de salutation des habitants du village, discutant avec la plupart d'entre eux de choses et d'autres. Mon tour m'amène à être invité pour déjeuner avec une dizaine d'entre eux qui avaient organisé un petit buffet à l'occasion du nouveau morceau de musique composé par le compositeur du village. J'avoue ne pas être extrêmement séduit par les rythmes langoureux de sa musique, je suis néanmoins très intéressé par sa façon de composer, là encore uniquement par interaction avec le bracelet, en imaginant une mélodie dans sa tête dans un premier temps, puis en la travaillant et la structurant de manière progressive en l'enregistrant dans le bracelet. Ah ! Ironie du sort, je languirais presque d'en avoir un moi aussi, désormais.

La matinée s'écoule, et je la termine avec une petite balade avec deux autres personnes qui sont allées observer à quelques pas du

village l'évolution d'un couple de petits oiseaux qui ont fait nichée dans un arbre bas. Ce n'est pas très intéressant, mais l'occupation me rappelle ma maman qui passe beaucoup de temps à observer autour de la maison les différents animaux et oiseaux et leurs évolutions. En rentrant je vois, enfin, Pénoplée, qui marche seule en direction de son chalet. Je la rejoins sans faire de bruit. Bien sûr je me fais doubler par son bracelet qui lui signale mon arrivée.

- Si tu crois que je ne t'ai pas vu.

- Tu n'es pas très joueuse... Bonjour.

- Bonjour. Bien dormi ?

Je sens le piquant de sa remarque, qui me fait sourire.

- Ça t'amuse, c'est déjà ça, tu jouais, c'est ça ?

- Je suis vraiment désolé, Pénoplée, franchement je voulais tout sauf te faire du mal, quand je suis...

Elle me coupe :

- Tiens, mon bracelet dois avoir un problème, il ne dit pas que tu es en train de mentir...

Cette remarque m'énerve passablement :

- Et oh c'est qui qui est adulte là ? C'est pas toi qui es censée avoir mille ans et moi même pas vingt ? C'est bien toi qui a fait un virtuel hier, qui m'a trompé, alors que je voulais tant être avec toi.

- Et tu étais avec moi, je te signale, tu crois que le virtuel ça compte pas, c'est pour du beurre ? Ce qui compte c'est ce que tu ressens, le virtuel ou la vie, c'est pareil. Et ce n'est pas une question d'être adulte, c'est une question de respect.

- De respect ? Tu te moques de moi ! Pour moi le virtuel c'est un manque de respect !

- N'importe quoi !