page 34 le patriarche 35

l'immobilisme, alors où est la voie ? Qui a raison ? Qui doit dire qui a raison ? Qui écouterait un voleur, tricheur, menteur, lui dicter ce qui est bien et ce qui est mal ? Comment faire confiance quand on ne connaît pas, quand on ne sait pas ?

13 heures 59... Zazie, Larsen... Les artistes ont des réponses, parfois, et de douces mélodies... Et chacun à sa manière, apporte sa solution, mais les autres, souvent, n'entendent que la mélodie et pas les cris. Le monde n'est pas rose, nos libertés s'envolent aussi facilement qu'on zappe les images du vingt heures. Mais où donc irons-nous ? À qui est ce monde ? À nous, ou à quelques-uns ?

J'ai mangé simplement, une pêche, un morceau de cabillaud avec du pain, et un yaourt, toujours avec du pain. J'ai mangé simplement comme souvent en me disant que c'est dans la simplicité, d'une certaine façon, que se cache le bonheur. Autant les prophètes vont-ils chercher la bonne parole dans le recueillement, autant apprécier les choses simples permet de goûter chaque instant, d'appréhender le nécessaire et le superflu, et garder à l'esprit ce que sont les plaisirs, les goûts, et les couleurs. Car à trop en voir on prend le risque d'y devenir indifférent. J'ai mangé simplement peut-être aussi par paresse, cuisiner ne m'enchante guère, il est vrai. J'ai mangé simplement sûrement parce qu'il est difficile de prétendre à trouver une voie dans l'abus, l'opulence et la démesure.

La lassitude doit être sans doute une bien mauvaise chose, c'est elle qui détruit nos rêves, qui limite nos créations, qui casse nos relations. La lassitude, l'ennui, l'envie d'autre chose sans savoir quoi. A l'instant même j'ai comme un manque d'inspiration, comme si écrire ne m'intéressait plus, ou si ce que j'avais à dire restait sans importance. La lassitude est sûrement un problème à résoudre, à prendre en compte, à expliquer, à dénoncer parfois, corriger aussi. Il est sans doute légitime d'avoir quelques envies d'autre chose de temps en temps, mais pourquoi les punir ou les refouler, l'homme est curieux, aventureux, c'est sa force, alors pourquoi la lui reprocher ? Mais comment justifier cette lassitude, comment justifier, pardonner, expliquer, que tu puisses ne plus avoir envie d'être avec moi ? Ne plus avoir envie d'aller plus loin ? Comment considérer les changements de goûts comme des atouts, des qualités, quand ils nous touchent si durement ? Il ne faut pas aimer les gens parce qu'ils nous

aiment, ou pour qu'ils nous aiment, mais il faut aimer les gens pour ce qu'ils sont. Mais la lassitude est sûrement ce qui nous fait avancer, ce qui nous fait inventer, ce qui nous fait progresser. Quelle cruauté de ne plus être qu'une lumière du passé...

Il est dur d'accepter de ne pas être l'autre tant recherché, de ne plus l'être. Il est dur d'être imparfait, faillible. Il est dur de rester seul. Il est dur de ne pas être égoïste.

C'est malgré tout ainsi que nous sommes, chacun cherchant ce qu'il ne trouvera sans doute jamais. Mais la rancune n'aide en rien, et pas plus que je n'en veux, et n'accepte d'en vouloir, à mes amours qui sont parties loin, je n'aimerais que l'on me reproche ma soif de découvertes, d'aventures... Les autres sont une ressource précieuse, et si l'étouffement de nos villes nous rend souvent seul, il n'empêche qu'il est beau de faire un peu de route ensemble, et que même s'il m'est dur d'imaginer que ma longue route aura un intérêt pour d'autres que moi, je n'en ai pas moins l'espoir que de leur montrer quelques directions.

15 heures 33 minutes 33 secondes, et bien, que de réconfort que de voir passer de temps en temps la pureté... Aussi imaginaire soit-elle.

Tout est si compliqué, tout est si difficile, entre la vie, les envies, les principes, les choses à faire, à ne pas faire, les autres... Tout ce qui a déjà été fait ? Comment rivaliser avec des millénaires de sagesse, de folie, de religion, d'illusion, de prières, de bien et de mal ? Quelle voie montrer, quelle voie espérer pour ces milliards de personnes aussi perdues les unes que les autres. Faire le bien, quel bien ? Être solidaire ? Est-ce que je suis solidaire quand j'ignore tous les sans domicile fixe que je trouve sur le trajet vers mon travail ? Suis-je solidaire quand je ferme les yeux, quand je me repose ? Ne pas mentir ? Ne pas voler, ne pas tuer, ne pas faire ceci, ne pas faire cela, faire sa prière, manger équilibré, faire du sport, payer ses impôts, attendre la sonnerie avant d'avancer... Les hommes créent des lois pour des choses qui ne sont pas des hommes, les hommes créent des lois pour des Dieux. La loi est une foutaise, l'équilibre social ne tiendra jamais très longtemps dès que les gens sauront, voudront, accéderont à l'information de manière uniforme. Les lois