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bonne distance. On dirait qu'elle parle en elle-même, elle fait des petits gestes et mouvements de la tête comme si elle était en pleine conversation.

Plusieurs minutes s'écoulent et nous en sommes toujours au même point. Erik s'agace un peu et parle alors en anglais, il hausse la voix et lui demande de faire quelque chose, de la sauver, de la porter dans leurs tubes... La fille a un mouvement de recul, effrayée par l'envolée d'Erik. Elle fait encore quelques mouvements de tête, avec quelques "mmm, mmm" comme pour approuver quelque chose. Subitement elle fait quelques pas vers nous, en tendant le bras, un bracelet à son poignet.

J'ai un petit mouvement de recul, mais je ne peux rien de plus, elle nous paralyse. Je ne sais pas par quel moyen, sans doute une action du bracelet, mais nous ne pouvons plus bouger. Elle en profite pour s'approcher encore un peu et regarder plus attentivement le corps de Naoma. Ensuite elle nous fait marcher, littéralement, nos corps se mettent à avancer sans que nous ne puissions rien faire contre. Nous avançons, à quelques mètres devant elle, et elle nous dirige vers l'une des maisons. La porte s'ouvre et elle nous fait entrer à l'intérieur, puis referme la porte derrière nous.

Nous reprenons alors l'usage de nos membres. Nous nous trouvons dans un petit endroit cossu, constitué de deux lits, un canapé, une table et trois chaises, le tout en bois rustique. Cette prison ne nous semble pas très robuste, mais nous avons l'amère révélation que nous ne pouvons nous approcher des parois. C'est extraordinaire, dès que nous avons juste l'intention ou ne serait-ce que penser trouver un moyen pour sortir, nous sommes paralysés, et bien souvent nous perdons l'équilibre et tombons. Nous devons nous concentrer pour ne pas imaginer sortir. Nous pouvons penser à ce qui nous est arrivé, avant, dehors, mais je ne comprends absolument pas par quel moyen quelque chose détecte que nous pensons à ses murs et nous immobilise alors. Pourtant nous n'avons aucun appareil, aucune menotte, aucun bracelet. Ma seule explication est la présence d'un puissant champ électromagnétique qui interfère avec les impulsions du cerveau et bloque la liaison avec les membres quand des détecteurs, sans doute placés tout autour de la pièce, repèrent une mauvaise intention de notre part. Toutefois nous avons l'usage de la parole et nous décidons de nous installer confortablement dans le

canapé, cette position nous évitera au moins de nous retrouver par terre si d'aventure nous avons quelque mal à contrôler nos pensées. Erik est inquiet pour Naoma.

- Tu crois qu'elle va faire quelque chose ?

- Je n'en ai aucune idée, elle n'a pas dit un mot, mais on aurait dit qu'elle parlait avec quelqu'un ou quelque chose, tu as remarqué ?

- Oui, sans doute une forme de communication que nous ne connaissons pas encore, peut-être demandait-elle avis à d'autres personnes sur que faire de nous.

- Oui, de plus le village a l'air désert, elle est peut-être juste là pour le garder.

- Elle aura compris, quand même, quand je lui montrais le corps ?

- Et bien je ne sais pas trop comment pensent ces gens-là mais je pense que moi j'aurais compris.

- Qu'est ce qu'on peut faire ?

- Je suis épuisé, dans un premier temps, vu la situation, c'est peut-être mieux que nous dormions un peu, peut-être si nous restons sages relâcheront-ils leur champ de protection.

Nous tombons d'accord et décidons d'aller nous coucher. Le lit d'apparence on ne peut plus rustique, est en réalité composé avec une sorte de duvet-couverture d'un seul tenant dans lequel nous nous glissons. Et de toute évidence cette couverture est recouverte d'un pellicule qui doit tenir du revêtement interne des combinaisons. Nous sommes plutôt sales, il faut bien le reconnaître, à marcher depuis des jours dans la poussière sous la chaleur, mais la couverture épouse notre corps et le nettoie. Il aura suffit que je me tourne une fois ou deux et que je passe la couverture sur mes cheveux pour que j'ai la sensation d'être de nouveau tout propre, comme après un bon bain, et en plus j'ai la douce sensation que cette super couverture a un effet bénéfique sur mes cicatrices et mes blessures. Sensation qui ne fait qu'accélérer l'irrémédiable plongée dans un profond sommeil, de toute façon déjà irréversible vue ma fatigue.