récupéré l'usage de mes membres, je me lève, fouille dans le panier qu'elle nous a apporté, y récupère une sorte de gâteau et vais le manger en regardant par la fenêtre. Erik fait de même et va se rasseoir sur le canapé. Le gâteau est plutôt bon, je suis curieux de savoir si le goût ressemble aux galettes qu'ils mangeaient sur la lune, mais je préfère me taire, après la nouvelle évidence que tout est encore plus de ma faute, s'ajoutant à sa mort le fait que nous ne pouvions la sauver... Ah vie ! Mais comment aurai-je pu savoir ? Comment aurai-je pu prévoir ? Comment aurai-je pu ?...
La journée s'écoule et je reste mélancolique, la plupart du temps assis sur une chaise, à regarder dehors, sans dire un mot à Erik. J'ai récupéré l'habit que nous a apporté Pénoplée, il ne ressemble pas du tout aux combinaisons que nous avions à notre arrivée, pourtant il doit avoir les mêmes fonctions. L'habit est ample et agréable à porter, mais il est fabriqué dans une sorte de tissus intelligent qui par moment devient plus étroit. C'est assez étrange, d'un seul tenant, formé d'un court pantalon moulant au niveau des cuisses et d'un haut à manches courtes, plutôt moulant au niveau du torse. Ce n'est pas si léger qu'il en a l'air, sans doute car il doit intégrer un certain nombre de technologie pour allier l'aisance et la protection.
Erik aussi enfile le sien, mais ne fait aucun commentaire. Je ne pensais vraiment pas qu'il serait autant affecté par la mort de Naoma. Pourtant dans sa vie il a sans doute dû affronter déjà la mort de proches, d'ami, et d'autant plus qu'il était une crapule. Peut-être l'aimait-il beaucoup plus que je le pense, peut-être espérait-il y trouver l'occasion et l'opportunité de changer de vie, de repartir sur quelque chose de neuf, de sain, peut-être représentait-elle sa nouvelle vie, sa nouvelle morale. Ah Naoma ! Naoma... Je suis tellement triste, tellement triste de t'avoir fait de la peine, tellement triste que tu te sois fâchée contre moi, tellement triste de ne pas être resté près de toi... J'avais peut-être raison, à Melbourne, de ne pas vouloir t'aider, de ne pas vouloir me rapprocher, d'avoir peur que de ne t'attirer dans des ennuis. Mes erreurs t'ont été fatales... Et c'est moi qui aurait dû mourir deux fois déjà, David, toi... Mais quoi ! Qu'est ce que j'ai fait de si mal dans cette histoire ? Erik m'en voudra toute sa vie, si tant est que par ma faute il ne subisse pas aussi ton sort... Oh, mon Soleil, si loin, je ne sais pas ce que je peux faire, je ne sais pas ce que je dois
faire... Je suis si seul...
L'après-midi se passe, nous restons silencieux. Je fais une sieste, tout comme Erik, puis quelques exercices physiques en fin d'après-midi, pour bouger un peu. Pénoplée revient nous rendre visite. Tout comme le matin nous sommes assis sur le canapé et elle occupe une chaise. La conversation est plus structurée. Elle nous fait tout d'abord comprendre, en prenant un gâteau rond, qu'il représente tout ce qui nous entoure, sans doute veut-elle dire la planète, et que celle-ci tourne autour du soleil. Elle nous pointe alors d'un air interrogatif, nous demandant d'où nous venons. J'essaie de lui faire comprendre que nous ne venons pas de cette planète, ce qui est rendu plus facile car elle nous a laissé l'usage de nos bras. Je tente de lui faire comprendre que nous venons d'une autre planète très très loin d'ici. Je lui explique, avec deux gâteaux qu'elle a bien voulu me prêter, que nous avons été téléportés. Elle nous regarde ensuite en silence pendant quelque temps, comme si elle réfléchissait à quelque chose, puis finalement, semble-t-il déçue de ne pas en avoir découvert plus, elle nous salue et nous quitte.
La nuit tombée, je ne tarde pas à aller au lit, et de nouveau je m'endors comme un bébé. Cette douce nuit me rappellerait presque mes nuits rue Crillon quand j'avais mon bracelet... Le réveil est moins plaisant, sortant d'un cauchemar où Naoma avait pris la place de l'homme qui m'avait attaqué au Mexique, et dont la mort, quand finalement je trouvais le pistolet et lui tirais dessus, me fait ouvrir les yeux avec une angoisse contrariante. Soixante-quatrième jour, le souci de mon rêve passé, je suis pris d'un affreux doute ; tout tourne toujours autour des mêmes éléments, ces champs de force qui nous empêchent de bouger, cette fille qui nous paralyse, c'est toujours ces bracelets, toujours ces gens qui viennent de je ne sais où. Que veulent-ils ? Sont-ils réellement humains ? Que font-ils sur Terre ? Ma prison n'a pas changé, et j'ai eu beau parcourir le monde et maintenant la galaxie ou peut-être plus, j'en suis toujours au même point, avec tant de questions et si peu de réponses, et toujours sous l'emprise de ces bracelets... J'ai la tentation de mettre n'importe quoi en oeuvre pour sortir d'ici. Cette mauvaise pensée a pour effet direct de me faire retomber sur mon lit, comme une loque... Nous sommes vraiment complètement à la merci de cette protection. Si