minutes plus tard. Quand elle s'en aperçoit elle part en courant. Je lui crie que je ne peux la suivre et je trottine difficilement à ses trousses. Elle me distance en un clin d'oeil et disparaît dans une rue alors que je suis en plein milieu d'un carrefour. Je ne suis pas au bout de mes peines, arrive en même temps sur moi l'autre homme de la nuit précédente, ou tout du moins le présumais-je à sa démarche et sa stature. Il a un peu de mal à marcher, sans doute sa blessure par balle, ou son saut du deuxième, mais face à lui je ne ferai pas long feu. Et alors qu'il arrive vers moi par le côté, les deux policiers l'interpellent et lui demandent de s'arrêter. Il semble ne pas les écouter et il est à deux doigts de m'attraper quand ils lui tombent dessus. S'ensuit une bagarre entre l'homme, qui tient tête, et les deux policiers qui semblerait-il n'ont pas l'intention de se servir de leurs armes. Toujours est-il que je ne cherche pas à admirer le spectacle et je m'éclipse discrètement dans la même petite rue que la fille, avec maigre espoir de la retrouver.
Je marche vite, trottine un peu, pendant une bonne trentaine de minutes en espérant que cela suffira pour leur faire perdre ma trace. Mais je ne sais pas quoi faire ni où aller. Je n'ai pas d'argent, pas d'habits. Moi qui me faisais une joie à l'idée de rencontrer la personne de l'ambassade pour planifier mon retour. Je me dis alors que le mieux est de m'y rendre directement. J'ai cependant besoin de vêtements. J'envisage de les voler, après tout je n'ai pas beaucoup d'autres choix. Mais je réfléchis que pour peu que le magasin dans lequel je fais mon forfait soit équipé de caméras, un vol pourrait me causer des tracas pour mon retour en France. Alors je me convaincs de trouver une jolie vendeuse dans une boutique de vêtements, de lui expliquer tous mes problèmes en espérant qu'elle apitoiera et aura la bonté de me donner de vieux habits ou des invendables. Je ne vais pas jusqu'à m'imaginer un rendez-vous galant. Dans l'état où je suis je ne pourrai guère être séduisant, je mise plus sur la pitié. Je ne rechignerais pas contre un peu de tendresse, toutefois, après tout ces coups, pensé-je, mélancolique. Mais j'imagine que c'est plus qu'accessoire par les temps qui courent. J'évite plusieurs magasins objectivement beaucoup trop classiques où la tête des vendeurs m'inspire plus un bon coup de pied au derrière qu'un peu d'aide. Je trouve après quelques centaines de mètres un magasin plutôt tendance mode jeune. J'entre sur la vision agréable d'une jeune et jolie vendeuse. Elle me regarde d'un
air très suspicieux, et je la comprends, entre mes multiples blessures et ma courte chemise de nuit, je dois avoir l'air du parfait psychopathe tout juste échappé d'un hôpital psychiatrique.
- Bonjour, avant que vous ne me mettiez dehors, laissez-moi vous expliquer en deux mots. Voilà je suis français, je me suis fait agresser, j'ai perdu tous mes papiers, mes habits et mon argent. Je sors de l'hôpital où l'on m'a soigné mais en attendant mon rapatriement en France je n'ai pas de quoi m'habil...
- C'est qui lui ?
Celui que j'identifie comme le patron est arrivé dans la salle, et me regarde d'un mauvais oeil. La fille tente de lui expliquer.
- Il dit qu'il est français et qu'on lui a volé ses habits, je crois qu'il veut du blé.
- Français mon cul oui ! Allez casse-toi avant que j'appelle les flics ! Encore un taré !
- Mais non je ne veux pas d'argent, je veux juste de vieux habits si vous avez et...
Je n'ai pas le temps de finir ma phrase qu'il m'a déjà fichu dehors. Je repars alors, l'âme en peine. Je marche toujours en direction de ce que je crois être le centre-ville, ne serait-ce que par les grands immeubles qui s'y trouvent. Soudain je réalise qu'un type me suit. Je commence à trottiner, mais il marche vite et commence même à courir. J'oublie mes douleurs et je cours moi aussi. Mais il me bouscule et je m'écrase contre des poubelles. Je tombe au sol mais je tiens bon ma pierre dans ma main. Les poubelles se déplacent sous le choc, et elles dérangent un groupe de sans-abri qui squattait un peu après. L'homme m'attrape, me relève du sol et s'apprête à me frapper quand trois ou quatre personnes du groupe de sans-abris l'entourent et commencent à lui chercher des noises, lui demandant si c'est lui qui a bousculé les poubelles. Il les ignore mais l'un d'eux lui donne une tape dans l'épaule pour qu'il se retourne. Il se tourne et le pousse violemment. Le SDF tombe au sol. Ses collègues démarrent au quart de tour et se jettent sur lui. Il se débat mais ils sont maintenant cinq à le frapper, le mordre, lui arracher ses vêtements. Je commence à