tous ces événements, quelques rêvent qui s'estompent, et ma vie qui continue, comme si de rien était. J'ai toujours pris du recul facilement, mais tout de même...
Lundi 9 décembre. Toujours de bonne heure à la boulangerie. Deux fournées dans la matinée, d'assez bonne qualité. J'ai l'impression que la fréquentation à la boulangerie augmente ; il y a plus souvent la queue à la caisse. Je propose mon idée de pizza à Martin, mais elle ne l'enchante guère. Il y a déjà rétorque-t-il une forte communauté italienne sur place, et non qu'il ne me croit capable de parvenir à réaliser de bonnes pizzas, mais les gens viennent ici pour du pain, et c'est ce à quoi nous devons nous adonner. Je n'insiste pas plus, ma destinée de pizzaïolo attendra. La journée est chargée et Martin me demande même de refaire une troisième fournée à 14 heures. Je n'ai pas le temps de repasser à l'auberge me reposer et doit directement me rendre à mon cours au cybercafé. Nous avions la veille avec Michel créé un petit espace dans cet objectif, de manière à ne pas trop importuner les clients qui n'assisteront pas à la classe. Six personnes sont présentes et suivent avec attention mes explications. Je ne suis pas très au point quant à l'organisation et la structure du cours, mais de par leurs questions et les idées qui me viennent à mesure j'ai largement de quoi tenir les deux heures. Je m'impose de ne pas dépasser pour d'une part motiver les gens à venir le lendemain, et d'autre part ne pas être complètement lessivé pour la nuit que j'ai encore à passer ici. Dans cette optique, je suis par la suite beaucoup moins présent pour les clients ayant des questions dépassant le simple dépannage, leur conseillant mes cours en journée pour plus de détails techniques. J'écris presque exclusivement, hormis quelques coups de main. 3 heures du matin, le dernier client s'en va. Bilan de la journée, trois cent cinquante dollars australiens nets, deux cents pour la boulangerie, cent vingt pour le cours, quatre-vingts pour la nuit, moins l'auberge et la nourriture. Une heure trente de sommeil sur une table puis direction la boulangerie.
Mardi 10 décembre. Tout est presque routine maintenant. Entre deux fournées je fais un petit somme dans un coin. Naoma ou Martin viennent discuter un peu avec moi, s'inquiète de mon ton palot. Comme la veille une fournée supplémentaire l'après-midi pour satisfaire la demande. Martin lui-même commence à assimiler le principe du levain, de la pâte, de la levée et de la cuisson. Mais le pain classique
l'occupe une bonne partie du temps et je ne me fais pas de soucis pour ma position, en effet je le quitterai sans doute avant qu'il ne prenne ma place. Cours au cybercafé de 19 heures à 21 heures, puis nuit sur place. J'écris toujours, ne serait-ce que pour ne pas m'endormir, et ce n'est pas qu'une mince affaire. Je ne peux toutefois m'abstenir de trois heures de sommeil et me retrouve en retard à la boulangerie, à 5 heures et demie passées. Mercredi 11, je suis un véritable zombi, dormant à la moindre minute d'inactivité. Je ne peux m'empêcher de quitter la boulangerie à 14 heures pour mon auberge et dormir quatre heures avant mon cours. Mes quelques heures de sommeil me redonnent un peu la pêche pour mon cours mais la nuit suivante je n'ai même pas le courage d'écrire, somnolant ou dormant à la caisse du cybercafé la plus grande partie du temps.
Le jeudi est à la fois la journée la plus difficile et la plus réconfortante, sachant qu'à vingt-et-une heures je vais avoir ma première vraie nuit de la semaine. Ce qui ne m'empêche pas de dormir de 3 heures à 7 heures moins le quart de l'après-midi, et accessoirement arriver en retard pour mon cours, mais je suis exténué. J'accueille avec joie ma nuit, me couchant dès mon arrivée à l'auberge, sans que le bruit dans la chambrée n'ait le moindre impact sur mon endormissement immédiat. Je suis un peu plus réveillé le vendredi après sept heures trente de sommeil. Vendredi 13, jour de l'anniversaire de mon père, quelle peine de ne pouvoir lui écrire ! Et quelle peine pour eux qui ne savent pas où je suis, me croyant sans doute perdu. Vendredi 13 décembre, journée mélancolique. Naoma me propose un dîner le soir, j'accepte, même si je n'aurai pas dit non à une longue nuit. Mais j'ai moins de repos en retard, et je ne dors pas avant mon cours mais écris de nouveau, après deux jours d'interruption. J'arrête mon récit à ma première rencontre avec cette mystérieuse fille à Sydney, dans les sous-sol du palais du gouvernement, avant de faire classe puis de rejoindre Naoma chez elle.
Et pour ce dîner les rôles sont inversés et c'est à mon tour d'être triste. Naoma quant à elle me sort le grand jeu. Tenue on ne peut plus suggestive, ambiance tamisée. Elle est vraiment très belle, réalisé-je. Beaucoup plus que ne m'avait laissé supposer l'image triste qu'elle me donnait depuis que je la connaissais. Mais Dieu que ne devrais-je pas me laisser tenter ! Ce ne serait que s'assurer de la