Il y avait un magnifique ciel bleu quand ils arrivèrent à Nice, ils décidèrent même de passer quelques temps sur la plage de la ville avant de partir pour Cannes, mais ils furent surpris qu'une voiture fût déjà là pour les attendre. Ils partirent donc directement, mais ne regrettèrent pas le splendide coucher de Soleil de la terrasse de l'hôtel, qui donnait directement sur la mer.
Ils profitèrent d'un succulent repas, offert par la maison. Fabrice appela Thomas sur le téléphone de l'hôtel pour lui spécifier que toutes leurs commandes à l'hôtel étaient à ses frais, et qu'il lui recommandait l'impressionnante cave du restaurant. Thomas ne savait pas vraiment apprécier le vin, mais Carole, en connaisseuse, ne put se retenir de terminer le Pape-Clément de 1959, même si la peur de faire des bêtises gâcha un peu son plaisir.
Ils ne parlèrent pas beaucoup de l'affaire qui les amenait, mais plus de gastronomie et de choses diverses. Carole se savait de toute façon pas en état d'une réflexion constructive après les trois quarts d'une bouteille, aussi bonne soit-elle, et les deux verres de muscat de l'apéritif. Elle commençait aussi à sentir un peu Thomas ; elle avait compris qu'il ne voulait pas à tout prix résoudre cette affaire, consciemment ou pas, et qu'il lui faudrait jouer avec tact si elle voulait continuer à aller de l'avant. Le vin lui donnait l'impression de voir clair dans son jeu, de voir son attirance vers elle, de voir ses faiblesses, ses peurs.
Le temps s'écoula doucement, le soir et la fraîcheur de l'automne approchant les incitant à enfiler un vêtement pour profiter du ressac de la mer et du ciel étoilé. Carole rit beaucoup, et Thomas en fut heureux, mais elle riait toujours beaucoup après un bon repas bien arrosé. Puis elle reprit ses esprits avec le froid de la nuit. Ils restèrent silencieux un instant, somnolant, s'endormant
presque, en profitant de ces quelques instants d'égarement, de bonheur, presque. Carole se demanda ce qu'elle faisait là. Elle se dit que ce n'était pas sa vie, qu'elle ne connaissait pas Thomas plus que ça, qu'elle n'avait finalement rien à gagner ou à perdre dans cette histoire. Pourtant elle avait une envie irrésistible de comprendre, de savoir qui était cette Seth, ce Ylraw. Elle savait pourtant que Thomas ne lui disait pas tout, soit parce qu'il ne le voulait pas, soit parce qu'il avait peur. Elle ne pensa pas qu'il la manipulait, elle ne le jugeait pas assez malin pour ça. Elle savait bien qu'il voulait coucher avec elle, du moins le supposait elle. Elle n'était pas complètement opposée à l'idée, il était plutôt beau gosse même si ce n'était pas vraiment son genre et encore moins le type de caractère qui l'attirait. Elle avait toujours du mal à comprendre qu'il eût pu rester quatre ans avec une personne sans rien apprendre sur elle. Thomas ne voulait pas vraiment résoudre cette affaire, et finalement pour Carole chercher à savoir pourquoi était presque aussi motivant que de découvrir qui était Seth, qui était Ylraw, cette secte, cette pierre, et toutes les solutions aux énigmes de cette histoire...
Ce n'était pourtant pas sa vie. Elle était écrivain, pas détective. À vrai dire elle se dit qu'elle n'était peut-être pas vraiment écrivain. Est-on écrivain sous le simple prétexte qu'on écrit un bouquin ? C'est plus un état d'esprit qu'un réel métier. Pourtant elle aimait écrire. Elle avait commencé un autre travail auparavant, elle avait fait une école de commerce et débuté sa carrière en travaillant dans une grande société du luxe française, mais la mentalité et le racisme qu'elle avait rencontré là-bas l'avait tout bonnement dégoûtée. Des magasins qui avaient pour consigne de ne pas vendre à certains clients, sous prétexte qu'ils venaient de pays en voie de développement qui ne méritaient pas, c'étaient leurs termes, d'avoir un des luxueux produits de la compagnie, qu'ils ne correspondaient pas aux "standards" de la clientèle du fabricant, qu'ils terniraient l'image de la marque. Ils allaient même jusqu'à faire expulser par la sécurité des clients chinois ou noirs, des "mauvais clients". Le manque de respect total vis-à-vis d'une des employés de la société, une chinoise qui désirait travaillait en France après un MBA dans une grande école d'ingénieur française, l'avait complètement persuadée que même la lutte qu'elle avait commencé à mener à l'intérieur de cette société pour la faire évoluer et sortir de son