mais il se débrouillait pas trop mal dans les simulations. Je lui conseillais de prendre des cours, qu'il pourrait facilement avoir le droit d'emprunter un vaisseau non automatique. Nous ne passâmes que la demi-journée ensemble car il y avait une conférence à laquelle il voulait assister au labo. Pour ma part je n'avais pas envie de travailler, alors j'allais faire un tour chez mes grands-parents, il y avait très longtemps que je ne les avais pas vus en vrai, et comme de plus ils voulaient quitter Ève pour partir sur Stycchia, une petite planète tranquille, terraformée il n'y avait alors que quelques siècles (quelques tris, un tri correspond à 6 puissance 3, soit 216), cette visite me permit de passer un peu de temps avec eux avant de devoir soit me téléporter, soit me contenter du virtuel.
J'avais gardé pas mal de rapports avec toute ma famille, surtout la famille de maman qui était presqu'en totalité sur Ève. Mon grand-père, son père et le père de son père travaillaient ensembles dans des études en relation avec les animaux et la nature. Le plus lointain aïeul que je connaissais remontait à vingt-quatre générations, il avait deux milles quatre cent ans et quelques. Mais je crois que j'avais encore mon aïeul de la trente-et-unième génération quelque part sur une planète perdue. Il devait avoir plus de quatre mille ans. Depuis la téléportation tout le monde vivait pratiquement pour aussi longtemps qu'il le souhaitait de toute façon, quelques soient les accidents ou événements de la vie qui survenaient, il y avait toujours une sauvegarde qui traînait. Mais au bout d'un certain temps les gens prenaient des pauses pré-mortelles. Ils restaient endormis pendant quelques centaines d'années, pour que les choses changent, et qu'ils puissent retrouver peut-être d'autres choses à faire à leur réveil. Mais généralement vers deux ou trois milles ans les gens décidaient de mourir définitivement. Quoique dans les faits rien n'était jamais vraiment définitif, dans la mesure où leurs sauvegardes étaient toujours accessibles, ils pouvaient toujours revenir à un moment où à un autre. Mais souvent les avis étaient contre, et sauf quelques cas exceptionnels, les gens morts le restaient.
L'allongement de la durée de la vie changea beaucoup de choses, la destruction de la barrière de la mort. Dans le passé, l'homme ne vivait pas plus de cent ans, quand nous étions encore sous le contrôle des reptiliens, puis les progrès nous donnèrent une espérance de vie de l'ordre de sept cent à mille ans pour les plus âgés. Pendant très
longtemps la limite resta bornée à mille ans, et la plupart des règles de la Congrégation restent basée sur cette espérance de vie, et certaines le sont encore d'ailleurs. Puis le clonage et la téléportation éliminèrent cette limite, tout comme ils éliminèrent la vieillesse, la fatigue, la maladie, les défauts. Il y eu des abus, bien sûr, alors la Congrégation tomba d'accord sur certaines règles, sur la stérilité des clones, sur l'obligation d'avoir un corps non modifié pour avoir des enfants. Aujourd'hui les couples désirant un enfant ont souvent le premier vers les cinquante ans, et le dernier vers les deux cents ans, jusqu'à quatre cents, rarement au delà.
Je rendis visite à mes parents, mes grands-parents, quelques cousins, quelques amis de la famille. Mais j'étais triste. Je ne voulais pas l'appeler, je voulais résister. Mais je ne pus pas m'empêcher, je lui envoyai un asym, il me répondit par un sym, et nous discutâmes longuement, comme à chaque appel. Ragal était chez lui, au début nous discutâmes uniquement, sans le visuel, puis nous nous retrouvâmes en visuel, et nous fîmes l'amour, pour la première fois en virtuel. Mais ce ne fut pas différent de la réalité, réalité qui n'était que partie remise. Au lendemain seulement, je rentrais, et après une ennuyeuse journée à l'université, je passais la soirée avec lui. Ce fut notre première rupture et notre première réconciliation.
Les deux mois suivants (quatre petits sixièmes) furent magnifiques, il était plus proche, et j'avais besoin de sa présence, de câlins. Je n'avais pas un moral fantastique, et malgré tous les conseils du bracelet pour le retrouver, je crois que je ne voulais pas vraiment aller bien, pour qu'il me réconforte, pour que je me sente si bien avec lui. Et puis finalement je reprenais moral et volonté, et cherchais plus assidûment des études qui me plairaient et dans lesquelles je pourrais m'investir vraiment. Ragal me proposa de retourner au Labo, mais je ne me sentais pas vraiment progresser là-bas. Je voulais quelques chose en relation directe avec ce que je faisais. Finalement ce fut maman qui me trouva le poste parfait, tout du moins je le crus. Il y avait un centre de formation près d'où j'habitais qui instruisait les gens sur la confiance en soi, le contrôle de son moral, l'aptitude à se passer complètement du bracelet pendant quelques temps. J'y obtins un poste d'observatrice. Après quelques temps je devins coordinatrice des groupes d'étudiants. Je