page 210 le patriarche 211

L'homme parait surpris de ma réponse, et semble se mettre sur ses gardes. Il tente alors de me baragouiner un truc dans une langue que je ne connais pas. Je commence à m'étirer en lui répondant.

- Mais ? Désolé mais je ne comprends rien à ce que vous me dites. Vous devez faire erreur, je ne suis pas celui que vous pensez. Mais vous attendiez quelqu'un pour être là en plein milieu de la nuit sur la plage ?

Il hésite un instant.

- Oui, je vous ai suivi.

- Vous m'avez suivi ? Mais... Pourquoi ?

Il regarde hâtivement autour de lui, comme s'il avait peur de quelque chose, il semble se fâcher, s'impatienter.

- D'abord, retirez votre bracelet.

Le bracelet ! Je l'avais complètement oublié. Il est toujours à mon poignet droit. Je replie mon avant-bras pour le regarder. C'est un peu comme si je ne le sentais plus, serait-il devenu inactif ?

- Mon bracelet... Oui mais, je ne peux pas l'enlever, enfin... Je crois, mais... Vous l'avez déjà vu ? Vous savez ce que c'est ?

Je ne sais plus trop à vrai dire, n'ayant plus cette sensation de dépression, de mal, de migraine. Il me saisit le poignet pour le retirer lui-même, je suis obligé de récupérer la pierre dans ma main gauche. Il est curieux :

- Qu'est-ce que c'est ?

- Je ne sais pas, c'est une pierre que j'ai trouvée sur la plage.

Il me regarde bizarrement alors que je le laisse m'ôter le bracelet. Je perçois un sentiment étrange, comme un poids qui se retire. Étrangement je me sens encore mieux, encore plus libre que je ne l'étais tout à l'heure, allongé. J'ai du mal à percevoir la situation, c'est un peu comme un rêve, comme un moment surnaturel,

illogique, moi, là, après cette quasi-noyade, ce jeune que je ne connais pas, le bracelet, cette pierre...

- C'est étrange, habituellement j'avais une crise à ce moment-là, je ne parvenais pas à le retirer. Comment avez-vous fait ? Vous savez comment il marche ? Vous êtes magicien ?

Il sourit et recule d'un pas avec le bracelet.

- Non. Je ne crois pas... Mais ne restons pas là, allons chez moi, il est trop tard pour que je fasse machine arrière désormais, et les autres risquent de vous trouver si nous restons là.

Tous ces mystères m'intriguent, de qui parle-t-il ?

- Mais à la fin qui êtes-vous ? C'est quoi ces histoires, et pourquoi m'avez-vous suivi ? Et... ?

Il ne me répond pas et me fait simplement signe de le suivre. Je ne sais pas trop si je dois le suivre ou ne pas lui faire confiance. Je ne sais pas plus qui il est ; il n'a pas l'air d'être très vieux, peut-être vingt-cinq ou trente ans. Quelque chose est bizarre dans son apparence, comme s'il était trop parfait, trop beau, un peu comme ces mannequins qu'on ne voit qu'en photo dans les magazines, avec la peau de bébé et le corps parfaitement sculpté. Il doit mesurer dans les un mètre quatre-vingts, plus grand que moi, blond-châtain ; plutôt beau gosse, je pense que je craquerais si j'étais une nana. Habillé de tissus blancs, légers, je me demande comment il ne meurt pas de froid. Cependant moi aussi si je sens le froid je n'en suis pas pour autant dérangé, comme si mes sensations n'étaient qu'une information et plus vraiment une souffrance. Je suis d'ailleurs encore mouillé, et devrais être transi avec la légère brise. Je ne sais pas combien de temps je suis resté allongé sur la plage mais le vent ne m'a pas complètement séché. En plus j'ai toujours du sable de partout, je déteste le sable, c'est une vraie plaie, si seulement il pouvait exister un monde sans sable...

- Vous venez ?

Voyant que je ne bougeais pas, il s'est arrêté pour me tirer de mes rêvasseries. Je ne sais pas trop quoi faire et ne suis pas opposé