Il cria encore et ce fut son propre cri qui le réveilla. Il était en sueur, il haletait, il se plia sous la douleur de sa brûlure, alluma la lumière avec difficulté et resta de longues minutes à s'assurer que c'était bien un cauchemar... Il tremblait de peur. Il sortit de son lit et alla chercher son pistolet. Il alluma toutes les pièces et vérouilla sa porte d'entrée. Quand il parvint enfin à se persuader que ce n'était qu'un rêve, il regarda l'heure, 3 heures 20 du matin, puis s'assit dans le canapé. Rien n'était passé, rien du tout, il l'avait cru, mais tout était encore là. Elle ne le quitterait pas, jamais... Mon Dieu dès qu'il fermait les yeux il revoyait son visage si blanc... Il pleura. Il resta là, plus d'une heure, puis finalement s'allongea, mais il garda les yeux ouverts, espérant simplement que le jour ne tarderait pas...
Il somnola de 5 heures à 7 heures, puis se leva, prit une longue douche chaude, et partit sans même prendre de café, en se disant que c'était peut-être aussi la cause de ses insomnies, et qu'il devrait arrêter d'en boire. Son chef lui apprit que Stéphane lui avait apporté le vendredi soir sa démission, mais que finalement il lui avait conseillé de prendre deux semaines de vacances pour réfléchir un peu. Jean-Luc pesta toute la journée contre ce Mathieu Tournalet et le manque de cran du chef et du procureur. Il tenta, en vain, de convaincre Thomas d'aller avec lui rendre visite au bougre pour lui faire comprendre qu'il n'était pas au-dessus des lois. Thomas garda un air désolé exprimant que cette tentative ne rendrait les choses qu'encore plus compliquées, que bafouer la loi ne serait que rentrer dans son jeu, et qu'il leur fallait rester intègres et ne pas se rabaisser à son niveau. Il s'étonna lui-même par cette réflexion.
Le reste de sa journée fut tranquille, mais il n'en demandait pas plus car son manque de sommeil lui donnait une forte migraine. Il appréhenda son retour chez lui. Il dîna avec sa mère, regarda un film
sans intérêt, puis il rentra se coucher. Il dormit de nouveau dans la chambre d'ami. Cette nuit-là il rêva que Mathieu Tournalet lui tranchait la gorge. La nuit suivante il rêva que sa brûlure se transformait en gangrène et le rongait de l'intérieur, et la nuit suivante il ne se souvint pas de ses rêves car il prit un somnifère, trop exténué de lutter contre des fantômes. Il avait repris la routine à son travail, et n'avait pas de nouvelles de Stéphane depuis le vendredi précédent. Il lui laissa un message sur son portable jeudi dans la journée. Il avait peur que Stéphane ne cherchât tout de même à poursuivre l'enquête. Il espérait de tout son coeur que ce ne fût pas le cas et qu'il coulait des jours tranquilles chez ses parents.
Il passa la soirée du jeudi en compagnie d'Emmanuelle. Elle avait trouvé un nouveau copain, mais il l'ennuyait déjà. Elle se demandait si elle ne devenait pas un peu trop exigente, à moins finalement qu'elle ne préférât rester seule. Depuis quelques temps, Thomas n'avait plus vraiment de désir sexuel, sa fatigue annihilait tout. Il perdait appétit, sommeil... Il avait maigri de quatre kilos depuis la mort de Seth. Il avait toutefois encore un peu de marge avec ses un mètre quatre-vingt deux pour soixante-dix-neuf kilos.
Jeudi 11 septembre 2003, les soirées se faisaient déjà plus fraîches, et les jours plus courts. Dans quelques jours se serait l'automne... Dans quelques jours se serait l'anniversaire de sa rencontre avec Seth, lundi 20 septembre 1999. Il ne rentra somme toute pas très tard, et se coucha dans la chambre d'ami, la lumière allumée, un peu après minuit trente. Il pensa. Il pensa que Stéphane ne l'avait pas rappelé, il s'en inquiéta. Il pensa à toutes ses anciennes copines. Il chercha laquelle pourrait bien vouloir encore de lui. Sur les huit il n'en trouva aucune, Emmanuelle était la seule avec laquelle il était encore proche. Il regretta de ne pas avoir fait plus d'efforts, de ne pas avoir pris la peine de les appeler, de savoir ce qu'elles devenaient. Il se sentit seul, dans ce grand lit dans lequel il avait pourtant fait l'amour avec presque chacune d'elles, sauf Virginie et Hélène, car il habitait encore chez ses parents, et sauf Seth, car il avait déjà alors changé pour son nouveau lit et relégué celui-ci dans la chambre d'ami. Quoi qu'il avait bien dû la surprendre une fois ou deux en train de faire la sieste dans cette chambre. Lui n'aimait pas trop cette chambre car elle était vraiment trop petite,